Troisième opus de la série des guitares fractales du suisse Stephan THELEN, compositeur et mathématicien zurichois, « ex-padawan » du maître FRIPP, qui aligne une armada impressionnante de contributeurs invités, soit une belle douzaine, et dont on peut suivre minute par minute leurs implications pour chacun des morceaux dans une longue description de la page « Bandcamp » dédiée à cette œuvre, si le cœur vous en dit. Un album qui m’a laissé assez perplexe, bien qu’initialement, je me réjouissais à l’idée de redécouvrir THELEN et ses guitares bercées d’échos. Redécouverte, car en 2019, ma première chronique pour « Profil Prog » concernait la première mouture de ces guitares aventureuses et spéciales, et je m’étais régalé, car l’œuvre était audacieuse, cristalline, cinématique et captivante. Deux albums plus tard, après quelques écoutes de chacun de ces longs morceaux, qui parfois s’éternisent, avec une impression de statisme, la déception m’envahit, alors qu’ailleurs, sur d’autres sites dédiés à la musique qu’on aime, l’ensemble de six morceaux est porté aux nues. Chef d’œuvre dit-on. Mes oreilles sont propres pourtant, mais il faut s’y faire, il y aura autant d’avis qu’il y ait d’auditeurs. THELEN nous propose un album d’adaptation de pièces ou de thèmes présents sur d’autres albums, dont « Transneptunian Planets », « Fractal Sextet », « Music for Piano and Strings » sur lesquels il a récemment travaillé, avec les collaborateurs du présent album, en appliquant des variations sur la vitesse d’exécution, en jouant sur les octaves, en appliquant des rythmes hors normes, en utilisant souvent des mesures impaires, des polyrythmies, des isorythmies et d'autres techniques inusuelles. Le premier morceau, « Through the Stargate » possède une autre genèse, étant inspiré d’un thème déjà développé dans un album de sa formation SONAR, intitulé « Black Light », extrait du morceau d'ouverture « Enneagram ». Un très long morceau qui été co-composée avec Eivind AARSET, qui a introduit le « thème de Richard WAGNER » qui a inspiré la fin orchestrale. Un titre où foisonnent les vibrations oscillantes, bourdonnantes, nous ramenant immédiatement en territoire connu du monde fractal mais je dirais en plus développé, le processus de fractal sonore étant appliqué à tous les instruments, à tous les sons, bien que ce qui soit le plus réjouissant est de retrouver ce processus appliqué aux guitares qui s’accumulent, se bousculent en échos sonores qui s’étiolent et disparaissent, la marque de commerce de THELEN. Les percussions sont plutôt étouffées, dans ce long ensemble à l’atmosphère mystérieuse, menaçante et dynamique que j’ai trouvé répétitif sur sa longueur. Il y a bien une presque montée en puissance à la moitié des seize minutes, coiffée d’un bel effet de clochettes, mais rien n’est venu me surprendre. En fait, pour vulgariser le processus, je crois comprendre que le principe appliqué est de greffer de belles et éclectiques décorations sonores, des guitares qui déchirent, sur une colonne vertébrale redondante, un pattern répétitif aux notes rebondissantes. En bonus, on retrouve une version plus ramassée, plus mélodique et cinématique du même titre, soit une version éditée qui se concentre sur les parties composées par AARSET, mixées par J. Peter SCHWALM. Un bonus qui condense la substantifique moelle. Quant est-il des autres morceaux? On joue à fond la carte de la polyrythmie, où beaucoup de sonorités crées une ambiance froide, machinale, car beaucoup de sonorités semblent issues de programmation et d’instruments qui rendent un son électronique. Ça sonne « jeu vidéo » (« Glitch »), mais certains amateurs pourront trouver cela génial avec raison. L’ensemble des six morceaux dispose d’une très grande cohésion, car il y a ce son THELEN typique, et le même style s’applique avec quelques variations au sein d’une amplitude sonore restreinte, bien que cela demeure dynamique, parfois musclé. On pourrait soupçonner que des concepts mathématiques ont influé dans la création de ces compositions calculées, issues de sommes de boucles qui semblent stationnaires, mais dont l’évolution s’incrémente à faible dose. En tant que fan des premières heures, je suis un peu déçu, même après cinq écoutes, car je me suis ennuyé. Peut-être que j’ai loupé le coche, mais j’ai l’impression d’entendre des sons programmés rendus par des machines, sans âme, sans émotion, sans l’esprit cinématique génial du premier opus. Malgré tout, je dois reconnaitre que l’ensemble est bien joué, on sent qu’il y a un boulot créatif énorme derrière tout cela, et de plus, la production est impeccable, ce qui paradoxalement, malgré ma déception, génère une bonne note d’appréciation dans le tabulateur Excel. Magie des mathématiques! Il faut aussi admettre que l’artiste est généreux pour la longueur des plages offertes, en laissant beaucoup de place à ses copains pour qu’ils fassent leurs cuisines en mode électronique, mais n’aurait-il pas eu avantage à concentrer l’essentie